J’ai toujours aimé les phares. Ils me fascinent et leurs faisceaux me rassurent. Depuis mon jardin, je distingue un éclat blanc toutes les cinq secondes. Le phare d’Eckmühl brille, la baie d’Audierne est protégée. Tout va bien. Je ne peux pourtant m’empêcher de penser à l’ordinateur qui a chassé les gardiens de leurs phares, il y a une trentaine d’années. Je ne peux m’empêcher de penser aux jeunes qui peinent à croire que des hommes et des femmes ont vécu dans ces tours de feu, en pleine mer, pendant 150 ans.

Moi qui ai réalisé plusieurs documentaires sur le patrimoine maritime (notamment « Les sentinelles de l’amer », visible ici : Les sentinelles de l'amer), je prends conscience qu’il est important de rallumer le lumière de la cuisine et d’y convier les jeunes. Bousculer l’histoire, jouer avec les anachronismes… Voilà pourquoi j’ai choisi une danse actuelle, urbaine, très loin de l’univers maritime pour remonter l’histoire de ces sentinelles qui bravent encore le temps. Celui qui passe, et celui qu’il fait. A mes yeux, le hip hop est un formidable outil pour lutter contre l’oubli. A travers les battles qui s’improvisent régulièrement dans la rue, les corps des breakers, dans leur individualité, racontent beaucoup de choses universelles. L’engagement, la fierté, le devoir, la solidarité, l’identité… Ces valeurs proches de celles des gardiens, marins immobiles arrachés à leurs tours de feu le jour où l’administration décida qu’ils ne servaient plus à rien.